Bonjour !
La deuxième semaine est terminée et avec le deuxième #défidulundi. Les thèmes de la semaine étaient lueur ?, cartomancienne ? et sépulture ⚰️. Voyons ce que les Supranien·ne·s ont produit pour cette semaine ?
MAIS avant ça, nous voulons partager la première participation qui nous a été envoyé par quelqu'un ! Voilà donc le texte Christelle Tilet Cartier :
La lueur était très faible, presque inexistante. Il fallait pourtant bien se raccrocher à quelque chose en cet instant. L’obscurité était très épaisse, humide, poisseuse. Le silence caverneux, emplissait mes oreilles des bruits de mon propre corps, ma respiration sifflante et rapide, mes pas sur le sol glissant.
Cette lueur était tout ce à quoi je pouvais me rattacher. Pourtant elle était mouvante. A peine je croyais m’en rapprocher et voilà qu’elle s’éloignait. Comme le sommet des hautes montagnes qui ne se rapprochent jamais même après des journées de marche. Comme les palmiers aperçus dans le désert et qui, dunes après dunes, semblent toujours aussi petits, perdus dans l’immensité sablonneuse.
La cartomancienne m’avait pourtant prévenu. Mais je ne voulais pas y croire. Je ne savais même plus pourquoi j’étais venue la consulter au fond, tout me semblait parfait. J’avais l’amour, je t’avais toi, je gagnais beaucoup d’argent, même si je devais souvent fermer les yeux sur l’origine des fonds qui faisaient tourner l’entreprise. Nous avions un bel appartement avec la vue sur le parc. Nous y avions un accès privé qui nous permettait d’en jouir à toute heure de la journée, de la nuit aussi. Nous allions y boire du champagne, au bord du lac, des chandeliers disposés en cercle, une nappe blanche de coton épais sur le sol, de la musique, et rien ne pouvait plus nous atteindre. Ni le bruit de la ville, ni les rumeurs d’un coup d’état. Je t’avais toi.
Pourtant la cartomancienne avait été ferme, son regard clair s’était figé. J’avais retourné la Tour, La maison Dieu. Sur la carte, en haut d’une montagne, foudroyée par un éclair, la tour s’effondre, ravagée par les flammes. Un homme et une femme en proie à la panique, tombent, la tête la première dans le vide pour échapper au chaos.
Elle m’avait dit que des bouleversements, rapides, imprévisibles et destructeurs allaient s’abattre, qu’ils nous concernerait tous.
Ils s’étaient enchaînés, déchaînés. D’abord la pandémie, imprévisible, brutale avec les millions de morts qui s’en étaient suivit et les rats qui avaient prit d’assaut la ville plus nombreux que les fossoyeurs. Le parc avait fermé ses portes. On était tous confinés chez soi. Au début il y avait une certaine indolence dans l’air. Comme des vacances inattendues et ce repos qui s’installe et fini par se transformer en ennui. Mais nous avions de la nourriture, la vue sur le parc et la musique continuait de se diffuser à toute heure de la journée et de la nuit. Nous en profitions pour faire l’amour et se reposer des nuits sans sommeil que nous avions enchaînés les années précédentes pour se faire une place dans la société. Je t’avais toi.
Puis il y a eu ce problème avec l’électricité. D’abord de courtes coupures. Puis le noir complet qui s’est installé une nuit d’été. Les nuits noires ont succédé aux nuits noires. Les usines se sont arrêtées. Les frigos qui s’étaient vidés n’avaient plus d’utilité. Les nouvelles ne pouvaient plus circuler, pas plus que les voitures restées à l’arrêt.
Alors c’est allé très vite. Les premiers coups de feu ont commencés à retentir la nuit, puis la journée. Le coup d’état. Il ne s’était pas présenté comme on le pressentait. Ce fut pire. Les morts ont commencés à faire des tas dans la rue, comme les feuilles des arbres. C’était l’automne. Je t’avais toi.
Tu es sorti chercher de la nourriture. Et c’est là que des hommes armés sont entrés de force dans notre appartement. Je me suis retrouvée, assommée, allongée dans les égouts de la ville. L’odeur pestilentielle, l’obscurité. Tu n’es plus là. Alors je marche, poursuivant cette lueur qui ne cesse d’avancer. Dans mon cœur les éléments se déchaînent, dans mon âme les souvenirs s’entremêlent, j’ai perdu le décompte des jours. De l’eau ruisselle sur les parois, que je bois, mais je n’ai plus que la peau sur les os, et mes muscles ne sont plus que spasmes et tremblements.
C’est alors que la lueur est devenue lumière, et qu’une porte c’est dessinée dans l’obscurité. Il ne fallait pas perdre espoir ! Mes dernières forces m’entraînent hors des égouts. La prairie vaste, et verte, des fleurs et des oiseaux dans les arbres. Le bruissement du vent. Il ne fallait pas perdre espoir. J’avance encore un peu puis je vois une stèle, puis deux, puis trois. Un cimetière, des sépultures. J’avance doucement car mon corps se refuse à aller plus loin, mais c’est bien toi, c’est bien toi que je vois, tout en haut de l’amoncellement des corps. Le plus frais celui que l’on vient de jeter. Alors mes mains, mes pieds, s’agrippent aux mains et aux pieds, qui déjà sont putréfiés, pour venir te saisir dans mes bras ; Et une dernière fois m’allonger contre toi.
Maintenant, les participations de notre collectif ! La première est la vidéo de P'undrak faite sur Flowscape
Ensuite, le dessin de Doom

Ainsi que le dessin de Lord of Tempest

Ensuite le texte de Camille Ksaz
Si l’ennui avait besoin d’un visage, ce serait le sien ce matin. Ses yeux d’un marron tirant sur le orange si fascinant normalement semblait éteint, sa bouche pulpeuse baillait en voyant chaque client tenté de demander qu’elle leur lise l’avenir. Sa main les rejetait avec un dédain loin d’être feint. Son nez en trompette finissait toujours par souffler devant les arguments sans fin des personnes voulant payer la cartomancienne. Ils finissaient par partir, les épaules basses devant son ignorance. Un nouveau client, une nouvelle déception. Elle n’avait pas besoin de leur parler pour voir. À peine passait-il le voile noir qui couvrait la porte qu’elle constatait. Chacun avait cette lueur à côté d’eux, représentant leur destin. Ceux qui valaient le coup avaient une couleur ou une forme unique. Parfois, la lumière l’aveuglait tant elle était puissante. Enfin, c’était loin d’être le cas aujourd’hui.
Sa pause déjeuner semblait le seul moyen de s’occuper. Il était pile onze heures quand elle ferma sa porte. La longue queue devant cette dernière ne bougea pas. Ils observèrent celle qu’ils attendaient partir, ses fameuses cartes à la main, sans un regard pour ceux qui attendaient de la rencontrer depuis des mois.
Alors que certains courageux s’approchaient doucement d’elle, laissant sa place dans la file d’attente, elle s’enfonça vers la forêt entourant son cabinet. Elle s’arrêta une seconde, se demandant ce qu’elle avait bien envie de manger. Elle haussa les épaules et se dirigea vers la ville. Elle serait en retard pour rouvrir et en était heureuse. Peut-être que d’autres êtres ennuyeux en profiteront pour abandonner l’idée qu’elle batte les cartes pour eux. Comme si elle avait du temps à perdre.
À peine sorti de la végétation, la ville commençait. Rares étaient les riches qui osaient traverser cette partie de la cité. Cependant, son statut lui permettait l’immunité à proximité de son lieu de travail. Et partout où elle avait l’envie de se présenter officiellement. Elle tournait au hasard des rues, observant le dos de ses précieuses cartes d’un rouge profond. Aucun dessin, la simplicité même. Elle s’arrêta d’un coup et rentra dans une taverne quelconque. Elle fonça directement vers le comptoir pour demander les viandes servis ce midi. Après avoir eu une réponse satisfaisante, elle choisit son plat et s’assit sur la table la plus propre. Mais cette dernière ne l’était pas assez à son goût. Elle leva la main pour exiger qu’elle soit nettoyée de nouveau. Quand un jeune homme bien habillé arriva avec un chiffon, elle lui sourit avec douceur. Alors qu’il partait, elle lui proposa :
– Ne veux-tu pas t’asseoir une seconde ?
– Excusez-moi ma dame, mais je ne peux pas, mon service ne finit que dans une heure.
– Dis à ton supérieur que s’il accepte que tu me tiennes compagnie, je paierai trois fois le prix de ce que je consommerai.
Après une brève discussion avec le tavernier, le serveur s’assit calmement à sa table. Aucune peur ou étonnement ne se lit sur son regard. Il était à sa disposition. Mais elle était bien trop absorbée par cette lueur d’un noir intense pour s’y intéresser. Elle avait vu des lumière prête à s’éteindre à cause de cette teinte, mais jamais une briller aussi fort en étant aussi sombre. Une étoile noire. Elle étala les cartes en présentant le rouge intense vers lui. Elle lui demanda :
– Quel est ton nom ?
– Théodore, ma Dame.
– Appelle-moi Éléane. Dis-moi petit Théodore, quelqu’un as déjà lu ton avenir ?
– Non, dame Éléane.
– Tu n’y crois pas, n’est-ce pas ?
– Non, excusez-moi.
Étrangement, ses mots ne semblaient pas comme des excuses, bien au contraire, cela sonnait comme un défi de le faire changer d’avis. Un rire amusé s’échappa de la bouche d’Éléane.
– Et bien, prends ça comme un jeu pour faire passer le temps. Choisis tes cartes ?
– Combien ?
– Autant que ton destin le désir.
Le regard de Théodore resta toujours aussi pragmatique alors qu’il observait les cartes. Il en choisit quatre qu’il prit avec une délicatesse calculée et qu’il tendit à Éléane. Elle les posa une par une devant elle et attendit que la concentration de Théodore revienne vers ses dernières. Ce ne fut pas long, le serveur faisait preuve d’une discipline sans faille.
La première carte se retourna. Dessus, un chevalier entourait d’une aura de lumière pure brandissait son épée vers le sol. Par terre, une fissure laissait entrevoir un démon gigantesque qui se hissait des enfers. À l’endroit, elle représentait le héros, la pureté, la bonté absolue. Mais elle ne l’était pas. Ici, le démon était mis en avant. Cela représentait l’antagoniste, l’impurité, le mal absolu. Théodore constata la carte et leva ensuite doucement les yeux vers la cartomancienne. Avec une froideur inquiétante il lui dit :
– Laissez-moi deviner : Je suis le démon sur la carte.
– Dis moi, peux-tu comprendre un livre avec un seul mot ?
– Non, dame Éléane.
– Alors retournons la deuxième carte.
Cette dernière était à l’endroit. Des milliers de masques étaient représentés. Certains ressemblaient à des visages, d’autres à des déguisements. Sans parler, Éléane retourna les deux dernière cartes en les éloignant des premières. Sur la première, une faucheuse sous les traits d’un enfant. Sur la deuxième, seul une cascade de fleurs étaient dessinés.
Elle leva les yeux vers la lueur de Théodore qui maintenant pulsait d’excitation. Théodore, lui, observait avec minutie les deux dernières cartes et chuchota :
– Cela ne me ressemble pas.
Éléane saisit l’occasion pour commencer son analyse :
– En effet, elles ne te concernent pas, en tout cas pas directement. Pourtant, retiens-les, elles sont la clé de ton destin.
– Et les premières ?
– Elles sont ce que tu dois devenir pour la croiser.
– Un visage monstrueux ?
– Où vois-tu un monstre ? Je ne vois qu’un être qui embrasse sa nature profonde.
– Et quelle est ma nature?
– À toi de le savoir.
– Sous votre respect, ma dame, je ne comprends pas un seul de vos mots.
– C’est qu’il est trop tôt. Mais je peux te dire Théodore que ton destin est particulier. C’est un chemin où bien et mal, vérité et mensonge, ne font qu’un. Un chemin où ta solitude t’amènera vers ton futur. Ce ne sera pas facile, mais je peux te promettre que quand tu t’engageras sur ta voie, tu ne voudras plus jamais la trahir.
Comme seule réponse, les yeux verts de Théodore défièrent ceux d’Éléane, cherchant la part de mensonge dans sa prédiction et ne trouva rien. Aucun signe d’hésitation dans l’esprit de la cartomancienne. Elle retourna les cartes de nouveau du côté rouge les mélangea et les présenta au serveur. Elles étaient toute d’une blancheur immaculée. L’assiette de la voyante arriva, elle congédia le serveur de la main et mangea en paix. Après avoir pris son temps pour savourer son plat, elle sortit un papier, écrivit un mot et le laissa sur la table à l’attention de Théodore.
Elle accepta toutes les demandes des clients sans intérêt pour accélérer le temps qui la séparait de cette nuit. Quand le soleil se coucha, elle ferma de nouveau sa porte. Elle sortit discrètement par la porte arrière.
Elle ne pouvait plus attendre d'aller la retrouver pour lui raconter le destin qu’elle avait accéléré.
En espérant que cela vous a plu, à la semaine prochaine pour le #défidulundi !